Deux documents historiques
Article mis en ligne le 15 octobre 2005
dernière modification le 25 février 2009

par masha

2 Télégrammes, 1 du général-adjudant Rozhdestvensky, l’autre du contre-amiral Enquiste.

Document N°1

TÉLÉGRAMME TRÈS DÉVOUÉ

du général-adjudant Rozhdestvensky,

envoyé de Tokyo le 21 mai 1905 à 11h30 du matin

Le 14 mai à 1h30 du matin, entre le cap Sud de l’île Tsushima et le Japon,
une bataille a été commencée contre les principales forces japonaises, au nombre de 12 bâtiments et d’au moins 12 croiseurs. A 2h30, sur le « Souvorov », il a été nécessaire de transférer le commandement au poste central ; et à 3h30 une partie de l’état-major et moi-même, alors que j’étais sur le point de m’évanouir, a été embarquée sur le « Bouinyi », où se trouvait déjà une partie de l’équipage, de l’ « Osliabia », bâtiment qui a péri. Le commandement a été remis à Niebogatov. La nuit le « Bouinyi » a perdu une escadre, le matin le « Donskoi » a été aperçu avec deux torpilleurs. « L’équipage de l’ « Osliabia » a été transféré sur le « Donskoi », j’ai été transporté sur le « Biedovyi », qui poursuivait son trajet avec le « Gromkii ».
Le soir du 15, j’ai appris que le « Biedovyi » s’est rendu aux deux tropilleurs japonais. Le 18, le « Biedovyi » a été conduit à Sasebo. Je suis informé que Niebogatov se trouve à Sasebo.

Document N°2

COPIE DU TÉLÉGRAMME A S.M.I

du contre-amiral Enquiste,

envoyé de Manille le 23 mai 1905 à 11h55 de la nuit

Votre sujet très dévoué rapporte : la bataille du 14 mai a eu lieu entre les îles Tsushima et Kotsushima, sous le ciel clair, avec un vent sud fraîchissant et un horizon particulièrement nébuleux. L’escadre japonaise est apparue au Nord à 1h45 et le combat s’est engagé aussitôt.
La tactique des Japonais était de ne pas nous laisser passer à Vladivostok. C’est pourquoi chaque fois que notre escadre tournait au Nord, les Japonais, se servant de leur vitesse supérieure, entraient à la tête de notre colonne de cuirassés et faisaient sortir du rang le navire de tête. Les croiseurs à pont cuirassé de l’adversaire, au nombre de 9, ainsi que son cuirassé « Tsiniev », agissaient séparément des forces principales, et essayaient de mettre nos cuirassés sous un double feu, et nos croiseurs étaient obligés de les neutraliser tout le temps du combat. Cette manœuvre a gêné les bâtiments de transport. 50 minutes après le début de la bataille, l’ « Osliabia » s’est renversé et a péri, et le « Borodino » est sorti du rang. Peu de temps après, le cuirassé « Prince Souvorov », incendié, sans cheminées et sans mâts, a été entraîné hors du rang. L’escadre a tourné pour couvrir le « Souvorov », dont s’approchaient nos torpilleurs sous le feu roulant. Le « Borodino », s’étant remis, a repris sa place. En ce moment l’ « Alexandre III » était le bâtiment de tête. Lors du deuxième combat a péri l’ « Oural », dont s’approchaient, sur sa propre initiative et sous les tirs, la remorque « Svir » et le bâtiment de transport « Anadyr », à qui j’ai ordonné de débarquer les hommes de l’ « Oural ». La tactique ci-mentionnée des Japonais a abouti au fait que notre escadre a été obligée d’aller en rond, en formant un cercle qui entourait nos bâtiments de transport et torpilleurs, et les Japonais allaient en rond, formant un cercle extérieur. Une telle situation était très désavantageuse : il était très difficile de s’en sortir à cause de la petite vitesse de nos navires ; cependant, avant le coucher du soleil, notre escadre a pris de nouveau le cours au Nord : en ce moment sur un des torpilleurs près du cuirassé d’escadre « Prince Souvorov » a été monté le pavillon : l’amiral a confié le commandement à l’amiral Niebogatov.

L’ « Empereur Alexandre III », donnant de la forte bande, est sorti du rang et le « Borodino » est resté le bâtiment de tête ; l’adversaire a concentré le feu sur lui. Au coucher du soleil, après le dernier tir, le « Borodino » s’est incliné sur le côté et s’est renversé sur le trajet de l’escadre ; dans le brouillard un grand nombre de torpilleurs japonais s’est mis à découvert, et l’escadre s’est tournée au sud ; en ce moment il manquait le cuirassé d’escadre « Prince Souvorov », les cuirassés « Borodino », « Osliabia », les bâtiments de transport « Kamtchatka », « Oural », « Rus ». Au cours du combat des incendies se sont déclarés presque sur tous nos navires, mais rien ne pouvait, même pour quelque temps, les arrêter de tirer. Les cuirassés se renversaient avec le dernier tir. Les croiseurs se battaient contre les croiseurs de l’adversaire, et de temps à autre avec les « Nisin » et « Kasuga », et se trouvant sous un feu croisé ils ont été atteints par des obus de grand calibre. Tout au début du combat, a été aperçue, depuis le croiseur « Oleg » une mine « Whitehead » traversant le trajet de l’escadre, et on s’est détourné d’elle. A ce moment les torpilleurs japonais n’étaient pas encore vue, et leurs grands navires se trouvaient trop loin pour tirer avec les mines ; l’obscurité de la nuit n’a pas arrêté le combat, les attaques de mines ont commencé, et le tir sur nos navires, qui ouvraient les projecteurs. Quant aux résultats du combat, je ne peux pas en faire le rapport, puisqu’à cause de l’obscurité, il n’était pas possible de distinguer entre nos navires et ceux de l’adversaire. Considérant qu’il était possible de passer vers le Nord avec les croiseurs « Oleg », « Avrora » et « Jemtchug », j’ai essayé à plusieurs reprises de rompre la ligne des cuirassés et des croiseurs adverses qui bloquaient la route, mais j’ai dû y renoncer à la suite des offensives continues. Pendant un certains temps, 4 torpilleurs se sont trouvés à la distance d’une demi-encâblure des croiseur « Oleg » et « Avrora », et ont projeté plus de 17 mines Whitehead sans aucun résultat. Ayant tourné au sud, je n’ai pas pu retrouver, à cause de l’obscurité, nos navires qui avaient éteint leurs feux, je continuais à aller avec les croiseurs « Oleg », « Avrora » et « Jemtchug », avec l’espoir d’apercevoir à l’aube l’escadre qui aurait besoin des réserves de charbon contenues sur les navires laissés au Sud par le général Rozhdestvensky.

Le matin du 15, n’ayant pas aperçu l’escadre, je me suis arrêté pour faire l’état des croiseurs. Ne sachant pas la direction prise par l’escadre, je n’ai pas considéré possible d’aller au Nord, et de risquer d’affronter l’ensemble de la flotte japonaise avec les navires fortement endommagés ; le manque de charbon et de graves brèches ne permettaient pas de passer par le détroit La Pérouse, et j’ai décidé de suivre la route sur Manille. L’équipage s’est montré au combat au-dessus de tout éloge.